L’enjeu était de taille cette année pour sauver le festival namurois Esperanzah en grosse difficulté financière l’année passée notamment à cause de la météo maussade. Il était donc indispensable de revoir sa copie en 2024. Transformée en coopérative en 2023, l’organisation a donc revu complètement sa formule.
Pour réduire les dépenses, les organisateurs auraient pu faire le choix de restreindre la proposition culturelle. Mais il n’en est rien ! De 2 scènes, nous sommes passés à une grande scène centrale et 6 autres scènes plus petites qui ont toutes une couleur musicale et un univers bien singulier. Les spectacles de rue sont aussi plus nombreux (pour la grande joie des plus petits). Au village des Possibles, les conséquences de la colonisation belge et internationale sont mises en lumière, mais surtout l’omerta qui entoure cette thématique toujours d’actualité. Une trentaine de collectifs se mobilisent autour d’un slogan : Omerta coloniale, réveil international. La programmation musicale est toujours de qualité avec les concerts de nombreux talents belges (notamment le rappeur Youssef Swatt’s qui a remplacé au pied levé INNOS’B, qui n’a pu effectuer son voyage vers la Belgique) et quelques grands noms internationaux tels que MC Solaar, Xavier Rudd ou encore Amadou et Mariam. Pari réussi puisque la programmation a attiré un peu plus de 27000 personnes à Floreffe ce week-end le taux de fréquentation augmentant de 13.5% cette année par rapport à l’an passé. Ce qui est plutôt rassurant pour les années à venir…
Mais si nous sommes là ce dimanche c’est surtout pour découvrir une des têtes d’affiche du festival : l’incroyable Zaho de Sagazan. C’est assise à son piano, fidèle allié de ses créations, qu’elle ouvre le bal avec « Dis-moi que tu m’aimes », une ballade déchirante sur le manque de confiance en soi en plein milieu d’une relation amoureuse. Zaho évoque beaucoup l’amour dans ses chansons et avouera plus tard paradoxalement n’avoir jamais connu l’amour à 24 ans. Elle poursuit avec des chansons fortes à l’image de « Tristesse », “Je rêve” ou “Aspiration” qui évoque la relation de dépendance qu’elle a eue avec le cannabis pendant presque 10 ans. Puis vient la chanson que tout le monde attendait : La symphonie des éclairs. « Il fait toujours beau au-dessus des nuages mais moi si j’étais un oiseau, j’irais danser sous l’orage… » Tout le monde reprend en cœur, Zaho descend de scène pour chanter au plus près de son public. Ce qui plait, c’est bien sûr sa voix si singulière et puissante, de celles qui font dresser nos poils. Un timbre grave porté par des rythmes électroniques. Mais ce qui fait encore la différence, c’est sa personnalité touchante. Très souriante , naturelle et pétillante, elle échange beaucoup avec son public. Et puis, elle n’a pas sa langue dans sa poche et quand elle a quelque chose à dire, elle le dit !
La deuxième partie du concert est totalement différente et bien annoncée par Zaho elle-même. « Les balades, tout ça, c’est terminado ! On va transpirer maintenant » Un réarrangement de quasiment 10 minutes de « Ne te regarde pas » met le feu au jardin de l’abbaye de Floreffe. Zaho de Sagazan danse comme si elle était possédée et transforme l’abbaye en boîte de nuit… Tel un pantin désarticulé, elle invite les gens à lâcher prise, tout comme elle. On finit par être complètement transportés par cette musique électronique mais poétique qui accélère et décélère au gré de ses émotions. On comprend mieux maintenant pourquoi Zaho de Sagazan est devenue un véritable phénomène en quelques mois seulement remportant 4 victoires de la musique en février dernier. Elle se produira dans l’immense salle de l’ING Arena en octobre prochain et vient d’annoncer plusieurs dates aux Etats-Unis. Le rêve américain est à portée de main !