Quand on est photographe de scène et « metalleux », couvrir en images le Hellfest Open Air est un vrai bonheur. On y voit ainsi des pointures connues à l’échelle mondiale, écumant les planches depuis plus de 40 ans, tout en y découvrant des artistes intéressants mais moins médiatisés, officiant bien souvent dans des mouvements « underground » et obscurs aux yeux et aux oreilles du profane. Récit en images…
Je me rends au festival dès le premier jour, à l’ouverture des portes, afin de découvrir aussi rapidement que possible le site. Les festivités y sont organisées autour de six scènes, dont deux principales (Main Stage 1 et 2) et quatre secondaires (Altar, Temple, Valley et Warzone). Trois ou quatre groupes se produisent ainsi simultanément à des lieux différents. Il m’est donc impossible de tous les suivre et je dois alors faire des choix, d’autant que les files d’attente dédiées aux photographes accrédités s’allongent à grande vitesse.
Tout commence par Inglorius, jeune formation anglaise de hard rock, qui nous gratifie d’une très belle prestation d’ouverture sur l’une des scènes principales. Porté par le chanteur Nathan James, dont la voix se pare d’intonations rappelant celle d’un certain David Coverdale (chanteur de Whitesnake), le groupe joue du hard rock dans la pure tradition des premiers grands noms du genre (Deep Purple, Led Zeppelin, Rainbow). Dans un tout autre registre, Deathcode Society, team français de black metal originaire d’Annecy, se produit en fin de matinée au Temple pendant 30 minutes. Visage maquillé en blanc et orné de contours noirs, à demi masqué par une grande cape intégrée à une robe identique à celle d’un moine, chacun des membres pose ains l’ambiance, jouant une musique très technique et rythmée, dont les riffs évoquent ceux de Dimmu Borgir, l’un des maîtres du genre. Vient ensuite Sick of Stupidity, qui nous offre pendant une demi heure du pur grindcore, très rapide : une véritable déflagration mentale, très violente et frénétique ! Ce n’est certes pas ce que je préfère, mais force est d’admettre que leur prestation est très convaincante.
Quelques minutes plus tard, c’est au tour de True Black Dawn de se produire sur scène. Ainsi que son nom le laisse entendre, cette formation finlandaise joue de l’authentique black metal qui, dès les premières notes, nous plonge dans une atmosphère aussi enivrante qu’inquiétante. Tout en suivant la programmation du festival, mes pas m’entraînent ensuite plus au sud de l’Europe suite à la prestation de Wormed, groupe espagnol de death metal. Le rythme s’accélère et les riffs se font plus appuyés et lourds. Je fais ensuite un bref retour sur les scènes principales, histoire d’y suivre le show du team américain Animals as Leaders qui joue du metal progressif très propre mais toutefois un peu trop « sage » à mon goût, avant de me réorienter vers les scènes secondaires, face à Valkyrja. Cette belle équipe de scandinaves, dont les tenues ne laissent planer aucun doute, s’illustre via un black metal plutôt brutal qui pénètre de plein fouet dans nos « cages à miel » : efficacité garantie ! La claque encaissée, je me rue alors à nouveau vers les Main Stage 1 et 2. C’est en effet au tour d’Avatar de se produire. Cette joyeuse équipe de suédois, dont le chanteur affiche un maquillage clownesque, se fait le chantre d’un heavy metal mêlant les univers d’Alice Cooper, de Tim Burton ou encore de Lewis Caroll : excellent, autant visuellement que musicalement, comme l’atteste l’ovation du public à la fin de cette belle prestation.
Autre géant que l’on ne présente plus : Queensrÿche, incontournable entité du heavy metal progressif qui se produit sur scène depuis plus de 30 ans, fait également très fort au Hellfest. La voix claire et puissante du chanteur Todd la Torre enflamme véritablement le coeur du public. Cette bouffée d’oxygène prise, me voila ensuite reparti vers l’une des scènes annexes, où j’assiste devant l’Altar au concert de Firespawn, des vétérans suédois de la scène extrême avec un death metal agressif et très percutant. Je prends ensuite une brève pause, et me dirige en direction du Main Stage 1 afin d’y voir Ministry, célèbre formation américain de metal industriel : intéressant même si ce courant musical a rarement ma faveur. Un peu plus tard, c’est au tour de Behemoth de s‘exprimer sur le Main Stage 2. C’est une énorme baffe, avec un black metal de toute beauté agrémenté de quelques effets pyrotechniques, auxquels s’ajoutent les costumes fantasques de ces « joyeux » polonais : jubilatoire à tous les niveaux !
Nettement plus tard, j’assiste au concert de Deep Purple, où la voix du « grand ancien » Ian Gillan est aussi percutante qu’aux premiers jours, à la grande époque des indémodables morceaux tels que Child in time, Stormbringer ou encore l’indéboulonnable Smoke on the water. Certes le groupe s’attache à jouer ses morceaux les plus récents, ce qui est normal même s’ils ont sans doute moins marqués les esprits, mais j’apprécie néanmoins sa performance scénique, même si elle me semble un peu trop sage. Il est vrai qu’aussitôt après, je rétablis un certain équilibre en me ruant devant Obituary qui, malgré des jeux de lumière désastreux, donne un show intense et authentique de death metal à l’état pur.
Le lendemain, Igorrr se produit sur scène. Ce véritable caméléon, inclassable, mêle avec bonheur sonorités et rythmes variés, allant du black metal au death metal en leur ajoutant une pointe de baroque accentuée par la voix claire de la chanteuse Laure Le Prunenec : succulente expérience ! J’enchaîne aussitôt avec Bongripper, une formation américaine de doom metal qui brille par des guitares saturées à souhait et une batterie très affirmée. Je me dirige ensuite vers le Main Stage 1 afin d’y suivre Ugly Kid Joe. Entre temps, cette scène a été prolongée d’une grande avancée qui permet aux musiciens d’aller au devant des festivaliers. Une excellente initiative, même si sa présence oblige les photographes accrédités à contourner le public pour se rendre d’une scène principale à une autre. Durant quasiment une heure, le quintette américain joue ses titres les plus connus auxquels s’ajoutent quelques morceaux plus récents. Le public se montre alors rapidement conquis, mais il est vrai que ces cinq musiciens n’ont plus rien à prouver.
Quelques minutes plus tard, je profite de la prestation d’Ereb Altor, dont le registre se situe entre le viking metal et le black metal, marqué par une très nette influence de Bathory. Bien entendu, les musiciens sont grimés et costumés pour la circonstance. J’enchaîne avec Chelsea Grin, qui officie dans la tradition du deathcore américain. Plus lente et axée sur une atmosphère lourde et chargée, la musique de Skepticism, formation finlandaise de funeral doom metal, repose un peu les tympans tout en inoculant une partition bien signée et langoureuse. S’ensuit un retour au death metal via Decapitated qui joue une musique rapide et technique, très propre et maîtrisée.
Je termine la journée par une virée vers les scènes principales où j’y découvre un Dee Snider survolté et au meilleur de sa forme. Très charismatique, le grand blond assène ses morceaux en s’adressant régulièrement au public : un must ! Je clos ensuite cette deuxième magnifique journée au Hellfest en suivant Saxon qui officie depuis 1976. Respect ! Au final, ce festival s’avère unique, permettant de voir de multiples artistes dans des courants très variés. Dès lors que l’on est prêt à marcher et à se déplacer d’une scène à une autre, on ne s’y ennuie jamais, et c’est bien cela l’essentiel !
Pascal Druel