Ce samedi 15 février, Gauvain Sers était à Bruxelles à La Madeleine pour Les oubliés Tour. Une nouvelle tournée qui a débuté il y a quelques mois seulement…
“Je me présente. Je m’appelle Gauvain Sers et je suis un chanteur à casquette en velours côtelé marron originaire de la Creuse ! » clame-t-il après avoir entonné son titre Ton jean bleu, une tendre déclaration d’amour sur une mélodie enjouée. Mais a-t-il encore besoin de se présenter? Depuis trois ans, Gauvain s’est en effet imposé comme un des leaders de la nouvelle scène musicale française. Ses deux premiers albums se sont d’ailleurs tous les deux écoulés à plus de 100.000 exemplaires.
Ce soir, le creusois s’invite à Bruxelles et le public belge est chaud bouillant. La Belgique avait déjà pu le découvrir en décembre 2017 sur cette même scène pour son Pourvu Tour où il chantait à l’époque simplement accompagné de son guitariste Martial Bort. Deux ans plus tard, Gauvain joue désormais dans la cour des grands, entouré de 4 musiciens. Les arrangements ont fait peau neuve et le virage rock entrepris dès 2018 s’accentue sur quelques titres. Les cinq écrans installés derrière la scène amènent un vrai plus au spectacle projetant tantôt des photos d’enfance sur le titre La bagnole de mon père, tantôt les visages des journalistes de Charlie Hebdo sur Entre République et Nation.
Une bonne idée de commencer le set avec La langue de Prévert, un titre autobiographique où il nous conte sa jeunesse, quand il « se réfugiait dans les chansons, pour l’évasion, pour les frissons », ses études qu’il a faites « pour apaiser les inquiétudes de ceux qui te paient le loyer, comme une balle à renvoyer », sa passion pour l’écriture et ses vers qu’il écrivait en cachette et puis cette chance qu’il a décidé de saisir « avec la bonne dose d’insouciance, pour pas finir aigri et vieux, des tonnes de regrets dans les yeux ». Et un jour, le rêve devient réalité :
Et aujourd’hui c’est ton métier, toutes les planètes sont alignées
Quand tu repenses au lycéen, t’aurais pas parié ton destin
Mais comme ton truc c’est la musique, et pas leurs foutues statistiques
Quel que soit le son du moment, tu marches à côté tranquillement
Et tu te sens libre comme l’air, toujours dans la langue de Prévert.
Gauvain Sers
Pendant plus d’une heure quarante-cinq, Gauvain va nous raconter son histoire, sa vie, ses vacances en famille dans la bagnole de son père, son enfance en Creuse. La Creuse, voilà un sujet sur lequel il est intransigeant ! Il a d’ailleurs prévu un petit questionnaire sur sa région natale. « Vous êtes joueurs ? » lance-t-il au public. « Si vous ne donnez pas la bonne réponse, le concert s’arrêtera immédiatement ! » A plusieurs reprises, Gauvain charrie ceux qui sont venus l’applaudir : « Ils comprennent les transitions. C’était pas gagné en Belgique ! », « Je ne vous parlerai pas de la coupe du monde en 2018… » Blagues, clins d’œil, complicité… Le public emboîte le pas bien volontiers.
Mais si on aime Gauvain, c’est surtout pour ses chansons engagées, ses coups de colère. Il n’hésite pas à pointer du doigt ce qui lui déplait notamment dans Hénin-Beaumont où il se glisse dans la peau d’un facteur qui réalise tristement la montée de l’extrême droite dans sa ville. Excuse-moi mon amour, très jolie ode à la femme, dénonce le harcèlement de rue et nous met carrément le frisson et quand il nous invite dans son salon pour nous chanter seul à la guitare acoustique Mon fils est parti au Djihad, ces mots qui tentent de décrire l’indescriptible nous touchent en plein cœur. Les sujets ne manquent pas : le réchauffement climatique dans Y a plus de saisons !, la question des migrants dans Au pays des lumières, la prostitution des étudiantes dans L’étudiante… et puis la désertification des campagnes avec son titre phare, Les oubliés, reprise en toute fin de spectacle. Un moment extrêmement touchant où il fera chanter la petite Noémie au premier rang.
Mais Gauvain sait aussi observer les gens, s’attarder sur les petits détails, les petites choses qui font la différence. Il nous raconte des tranches de vie, des histoires, NOTRE histoire ! Et on l’aime aussi pour ces chansons-portraits, ces chansons qui parlent des gens, du quotidien, ces chansons auxquelles on peut tous s’identifier. Qui ne s’est jamais fait consoler dans L’épaule d’un copain ? Qui n’a jamais vécu un Changement de programme, ces fameuses soirées où tout part en vrille ?
On refait le monde, on se fend la poire
Je t’en paye une, tu me la rends
Et on surjoue nos vieilles histoires
Quand on les raconte aux absentsToutes ces conversations de bistrot
Gauvain Sers
Sûr qu’on les trouve pas dans les livres
Mais pour faire du coude à Rimbaud
On se remémore nos râteaux ivres
Visiblement ce soir, le public a envie de refaire le monde avec Gauvain et toute sa troupe. Les chopes sont levées, la salle est en ébullition… Quand la Creuse se fait belge, la vie est belle !