Il y a ces concerts où l’on chante à tue-tête… Il y a ces concerts où l’on saute sur place au rythme de la musique endiablée… Et puis, il y a ces concerts où l’on tend l’oreille attentive, captivé et envoûté par les mots. Les concerts de Govrache font partie de ceux-là. On écoute attentivement parce que les paroles nous renvoient forcément à des situations qu’on connait, qu’on a connues, qu’on ne voudrait plus connaître ou qu’on aimerait connaitre de nouveau.
Mais ce soir n’est pas un soir comme les autres. C’est sa première grande salle! Sa première Cigale ! Une date que son public attendait avec grande impatience évidemment ! Pour Govrache, c’est tout simplement un rêve de gosse.
Il avait rôdé ce spectacle en mai dernier au Café de la danse. Aujourd’hui, le spectacle est encore plus beau, encore plus fini. Le premier volet de son nouvel album intitulé Des murmures est sorti la veille. Le deuxième opus ( Des cris ) sortira en septembre prochain. Certains n’ont pas pu s’empêcher d’écouter l’album avant le concert ; d’autres ont préféré attendre pour savourer la découverte des nouvelles chansons déclamées par l’artiste. Car il est vrai que sur scène Govrache donne vie à ses textes et apporte un véritable plus.
Govrache, c’est l’artisan des mots, et avec le slam, il a trouvé son mode d’expression qui le porte au rang de grand poète du 21ème siècle. Ses nouveaux textes dévoilent une identité musicale affirmée et une vraie qualité d’écriture, entre slam, rap et poésie. Porté par des textes d’une vérité fulgurante, Govrache partage sa passion des mots, raconte des histoires, crée le silence autour d’un texte intimiste ou scande des textes plus saccadés pour emmener son public dans un grondement puissant. Sa présence scénique est indéniable, avec une capacité à suspendre le temps pour proposer un vrai voyage à son public. Accompagné de trois musiciens virtuoses, Antoine Delprat aux claviers et au violon, Adrien Daoud à la contre-basse et Guillaume Sené aux “machines”, il déroule son flow avec une aisance et une persuasion qui embarque intensément une Cigale sans doute surprise par l’intensité du moment.
Il commence son set avec une chanson inédite dans laquelle il raconte son parcours de vie : 40 ans. Il y évoque son enfance, son adolescence, ses études, sa folle envie d’écrire : Du coup j’ai foiré mes études, bac +3 mention « j’me tire »/ J’me foutais d’gagner ma vie moi j’voulais juste la réussir./ Un jour le grand Jacques a mis mes ambitions à poil./ J’me suis dit qu’j’tent’rais ma chance avec l’inaccessible étoile./ C’est là qu’j’ai sorti mon stylo et qu’j’ai commencé à écrire./ Il s’est passé un truc étrange difficile à décrire/ L’idée d’une vie en équilibre entre l’évidence et le doute/ Quand le bonheur que tu recherches croise la galère que tu redoutes. Puis, il nous touche en plein cœur quand il évoque sa femme dans une magnifique déclaration d’amour qui n’est pas sans rappeler la version de Gaël Faye. Dans la salle, l’émotion est palpable.
Mais la plume peut aussi devenir acérée car Govrache n’hésite pas à critiquer le monde dans lequel on vit, à dénoncer les failles de notre société, dans « Mon Dieu à moi » notamment : Mon Dieu à moi, il aime les femmes comme je les aime quelle que soit leur morale/ Pas besoin qu’elles soient pucelles dans un couvent ou sous un voile/ Il respecte chaque homme sans aucune distinction/ Et ne prétend pas maintenir la paix à grands coups de guerre de religion. Et surtout il nous invite à bouger, pour faire changer les choses, parce qu’ensemble, on est plus forts !
Parce qu’il fallait marquer le coup, Govrache a évidemment réservé quelques surprises à son public. Quand il annonce qu’il a un invité, il ne faut pas longtemps pour que le public comprenne qu’il s’agit de son ami Gauvain Sers (accompagné de son guitariste Martial) pour lequel il a assuré un grand nombre de ses premières parties. C’est grâce à lui que la plupart du public a pu le connaitre et il était donc normal de retrouver les deux comparses sur scène le temps d’une chanson. Ensemble, ils reprennent le nouveau titre de Gauvain, Les oubliés. Un beau moment de partage et de complicité. Il invitera également Manu Domergue à le rejoindre sur scène pour l’accompagner au cor sur la chanson Le bout de la table.
Pour terminer en beauté, Govrache nous offre un slam créé suite à un cadeau original reçu en fin de concert. Ce cadeau, c’est un « slam-endrier ». Mais point de chocolat derrière les petites fenêtres ! Derrière celles-ci, un mot. Donc 24 mots en tout… et un défi ! Celui de réaliser un slam en utilisant les 24 mots. Un défi que Govrache ne pouvait que relever haut la main ! Encore une jolie pépite !
Tout le monde se reconnait forcément quand il fait l’éloge de l’ivresse dans un triptyque (trois chansons sur ce même thème disséminées dans le set) : Alors pourquoi faire de l’homme ivre une loque, un poivrot, un looser ?/ Dites-vous qu’s’il aime l’alcool plus que la flotte, c’est p’t’être juste parc’que c’est meilleur !/ Mais on stigmatise celui qui tise dès que le verre se change en dose/ Et parc’qu’il boit la vie en rosé, on prévoit sa mort en cirrhose./ Même si l’buveur n’est pas malade, la société veut qu’il flippe :/ S’il ne se noie pas dans un verre, elle le noiera dans un principe. Cette ivresse qui nous fait décrocher les étoiles posées en haut des réverbères mais que l’on regrette un peu le lendemain matin : Les doigts plantés dans la gorge j’suis l’relou dans la gerberie/ Ecarlate comme un rouge gorge qu’aurait trop bu d’bloody Mary/Et j’te jure que j’regrette le dernier verre et l’verre d’avant./ Je perds mon titre de roi d’la fête à g’nou devant un trône tout blanc…
Ce soir-là, la Cigale ayant slamé toute la soirée, Govrache a certainement décroché les étoiles en haut des réverbères… mais c’était pour les mettre dans nos yeux !