Bunny Party – La Boule Noire, Paris – Chronique d’un metalhead presque comme les autres

Auteur : Simon Perrin  Photographe : Didier Brun

“La boule noire. Ai-je seulement déjà entendu ce nom ?” “Ma première chronique… Vais-je être à la hauteur ?” “La qualité exceptionnelle de ma plume sera-t-elle appréciée à sa juste valeur ?” “Je vais peut-être finalement devenir célèbre ? Youhouuuuu !” “Hmm. De quoi m’enorgueillis-je à ce point… C’est juste un article.” “Je ne connais pas deux des trois groupes. J’espère que ce sera bien.” “Pourvu que les consos ne soient pas trop chères. J’aurais peut-être dû prendre ma flasque ?” “Foutu briquet… Raaah, tu vas fonctionner, bordel de ***** ?!” Voilà le genre de pensées qui occupaient ma tête alors que j’allais assister au concert de l’un des groupes qui partagent le même studio de répétition que le mien. Après avoir fait la queue un bon moment pour “la Cigale” sans me rendre compte de mon erreur, j’entrais dans cette mystérieuse salle qui, au fur et à mesure que mes yeux se posaient sur ses moindres détails architecturaux, restait bel et bien une terre inconnue dans mon esprit. Une musique se fait entendre, le volume semble assez modéré, la ligne de batterie est très régulière… Une musique d’intro. Je pense être arrivé à temps pour voir le premier groupe entrer en scène !

Not Bad (!) Quelques pas plus loin, quelle ne fut pas ma surprise de constater… Qu’il s’agissait en fait du premier groupe. Mais qui peuvent-ils bien être ? Voyons de plus près. Quatre personnes sur scène : deux gratteux, un chanteur, un bassiste, et un squelette derrière une batterie. J’ai compris ! Ce groupe n’a pas de batteur et utilise une drum machine, voilà pourquoi le son n’est pas aussi fort qu’il le devrait ! J’observe alors l’arrière-plan de la scène, très travaillé. Ce sont principalement des formes d’immeubles qui me rappellent une certaine série animée des années 90 qui… Mais… Voilà que mes oreilles perçoivent un sample qui me rappelle un film qui m’a fait beaucoup rire il y a très longtemps. “Ne fuyez pas. Nous sommes vos amis”. Je me surpris à rire tout seul, en repensant à cette scène de Mars Attacks – où les Martiens tuent des humains en masse tout en répétant inlassablement cette phrase – dont l’absurdité ne pouvant qu’être comique avait marqué mes souvenirs au fer rouge. L’esprit et l’âme du groupe viennent d’être résumés à mes yeux : il s’agit de ma génération. Ces gars ont vu et ont déliré sur les mêmes choses que moi. Je me sens en osmose avec leur art.

Au delà des reprises, les riffs sont travaillés, leurs longues heures de travail se ressentent. Le chant, variant entre tonalités claires et hurlements torturés, n’est pas sans rappeler un Rob Zombie dans ses jeunes années… Cliché confirmé lorsqu’une séance de strip-tease improvisée à la fin d’un morceau fut brutalement interrompue par un Jason armé de sa machette, venu “trancher la gorge” de cette pauvre fille sans défense, avec un corps si… Euh. Bref. Une mise en scène qui servit d’introduction au morceau suivant, une sorte d’hymne à l’horreur. Le concert bat son plein, le Spooky Metal de ce groupe atypique enivre les têtes, la foule est en délire et à fond avec le groupe, la présence scénique du chanteur aidant beaucoup. Même les millenials que j’ai repéré dans la foule semblaient comprendre les références propres à mon époque, ce qui emplit mon coeur d’un certain sentiment de soulagement : je ne suis peut-être pas si vieux que ça, finalement.

Une seconde… Qu’entends-je ? Il s’agit là de leur premier concert ? Mais c’est à peine croyable ! Ils se sont vraiment donnés à fond sur leur show, à tel point que le spectateur expérimenté que je suis n’aurait jamais soupçonné ça. Les morceaux s’enchaînent avec des repères temporels martelés de reprises de génériques. La famille Addams, les contes de la Crypte, Batman… Tout y passe. Un fabuleux melting pot de toutes ces merveilleuses émissions de jeunesse dont la teneur “sombre” ou encore la thématique “histoires d’horreur” faisaient vibrer mon âme d’enfant des années 90. Voilà que le groupe se présente au terme de son dernier morceau. “Not Bad”. Alors que les musiciens exécutaient leur salut final, une seule phrase fut formulée par mon esprit : “Pas mal, les gars. Trouvez un batteur, continuez comme ça et vous allez concurrencer Panzer Surprise”. La promotion de leur premier album est donc une réussite. https://www.facebook.com/notbadmetal/

Funny Ugly Cute Karma (FUCK) (Non, ce n’est pas pour être vulgaire)

Le temps de finir mon périple vers le devant de la fosse pour y rejoindre mes collègues que je verrai pour la première fois, la transition fut courte avant que le groupe FUCK… Oh, pardon… Funny Ugly Cute Karma… Et oui, ça fait bien “FUCK”. Mais cette abréviation pousse toute personne sobre à prononcer le nom du groupe dans son intégralité Je disais donc que le groupe… – cessons de tergiverser avec ce nom – que le groupe suivant entrait en scène très peu de temps après le départ de Not Bad. Je reconnus instantanément Adeline – la chanteuse – avec qui je hurlais en choeur lorsque je la voyais, elle et sa troupe, se produire sur la résidence du Covent Garden avant le concert de promotion de leur E.P. Se souvient-elle de moi ? Je ne pense pas. Mais je me rappelle de son dynamisme, de sa joie de vivre qui semble faire partie intégrante de sa personnalité, au point où sa présence sur scène se ressent comme la détente induite par une très agréable séance de yoga. En guise d’introduction, la voilà qui déroule un rouleau de papier d’une longueur inénarrable sur lequel était écrit son script fort bien préparé, dans lequel elle remerciait les autres groupes de les avoir invités. Passée cette introduction, nous voilà plongés dans le vif du sujet : leur musique.

Le style est très différent du groupe précédent, dans le sens où leurs rythmiques sont plus lentes, plus massives, plus lourdes, en opposition avec la voix mélodieuse et fluette d’Adeline, celle qu’elle prend lorsqu’elle ne hurle pas. La construction de leurs riffs est osée : beaucoup de contretemps, beaucoup de travail dans les riffs de basse, beaucoup de jeu entre les deux guitaristes qui souvent semblent continuer ce que l’autre a commencé. Ce genre d’arrangements qui feraient en sorte que n’importe quel groupe qui ne tourne pas depuis des années se casserait lamentablement la figure en plein milieu de leurs morceaux… Mais pas eux : leurs structures complexes sont maniées avec expertise, et cette profondeur laisse tout spectateur se plonger dans une sorte de transe spirituelle remplie d’images et de…

Ah non, c’est juste moi. Un simple regard derrière mon épaule me suffit pour voir que la fosse bougeait avec le même entrain qu’au tout début de cette Bunny Party. Je me surpris alors à penser que même des rythmiques lentes peuvent déchainer une foule de cette façon, si elles sont exécutées correctement. En tant que fan de doom, de stoner et de sludge, qui avait pour habitude de rester en retrait lors des concerts, ce fut une véritable révélation. Voilà que d’un coup, une musique 8-bits se fait percevoir. Je l’ai déjà entendue. Qu’annonce-t-elle, déjà ? Mais oui ! Leur tonitruante reprise de System of a Down : Radio/Video. C’est très loin d’être ma chanson préférée. Je suis de ceux qui se sont arrêtés à Toxicity, car je n’ai pas du tout aimé les albums qu’ils ont sortis par la suite. Cependant… Avec une voix féminine, cette chanson semble gagner en tonus. Est-ce encore une fois juste moi ? Un regard vers la fosse… Et voilà une danse frénétique générale, l’effet produit par à peine une centaine de personne dépasse largement ce que j’ai pu voir pour la date du groupe original au Download Festival. Vous avez gagné. Vous avez réussi à faire mieux que l’original. Vous êtes des Dieux. Encore un live plus que glorieux pour le groupe… Pour… Pour le groupe d’avant Dead Bones Bunny. Voilà.

https://www.facebook.com/pg/funnyuglycutekarma/about/?ref=page_internal

https://youtu.be/1HEqray5JXA

Dead Bones Bunny (Savoureux civet)

La pause fut un peu plus longue avant leur arrivée. Et quelle arrivée. Vêtus de façon classieuse, à base de costumes et de bretelles, on croirait voir des musiciens de Jazz débarquer. Subitement, une contrebasse entre en scène… Une contrebasse ?! Mais pourquoi ? En y regardant de plus près, la contrebasse noire était munie d’un dispositif électrique et parée d’un dessin de squelette semblant la tenir entre ses humérus, radius et cubitus. Tout va bien, pendant une seconde m’était venue l’idée saugrenue qu’un groupe de Free Jazz ait pu s’incruster dans un concert de Métal. Non pas que l’idée eût été rédhibitoire, loin de là, mais le mélange aurait pu s’avérer quelque peu “choquant” pour l’audience. Voilà d’un coup la moitié de la fosse parée d’oreilles de lapin. M’est avis que ce groupe est relativement connu. Un chanteur, un guitariste, un contrebassiste, un batteur, deux choristes. À six sur scène, bien coordonnés, l’ambiance est au rendez-vous pour ce groupe de rockabilly/metal très… Lapinesque ? Dès les premières notes, le style sonne très original. J’ai déjà entendu plusieurs groupes le pratiquer, mais pas avec une contrebasse. Et voilà qui change tout : la sonorité de cet instrument ajoute un certain panache à leur son, et ça donne envie de danser.

En plein milieu du show, voilà une cosplay girl, la fameuse “Bunny Bones”, arrivant sur scène avec en guise de tête un crâne de lapin gigantesque extrêmement bien façonné, et affublée d’une guitare modèle “Flying V” taille enfant. Les solos pré-enregistrés qu’elle effectuait étaient notamment visibles par l’absence de branchements de ladite guitare, et c’est un peu dommage pour la mise en scène. Mais passons, on peut très bien soigner le décor, le jeu de scène, mais un tel souci du détail relèverait du trouble obsessionnel compulsif. Les riffs sonnent toujours très rockabilly, sans surprise. Mais que dis-je… Bien sûr que si ! Ça swing à mort, les gens dansent comme s’ils étaient possédés, les musiciens prennent du plaisir à faire leur show, me voilà en train de revivre mes premières expériences foireuses avec la danse, et le fameux moment libérateur où les mouvements ne sont plus calculés mais spontanés ! C’est ça ! C’est l’esprit Rockab ! Mes jambes battent la mesure, mon âme vibre ! Et quelle originalité dans les compositions ! Quoique mon oreille affutée reconnut à un moment donné un ou deux riffs empruntés à Pantera et restructurés pour l’occasion. Cette référence, qu’elle eût été voulue cachée ou non, me fit tout de même sourire car le soin particulier apporté aux compositions en général en rendait l’écoute fort délectable. L’alternance entre chant clair et chant hurlé est très bien maîtrisée, et la coordination avec les choeurs est parfaite.

De temps à autre, le contrebassiste fait des apparitions en plein milieu de la fosse, la foule lui faisant la grâce d’un circle-pit, tel le cliché des Indiens dansant autour de leur totem. Quand est-ce qu’il est descendu dans la fosse ? Et quand diable est-il remonté sur scène ? Je n’ai jamais pu le voir, mes yeux d’observateur aguerri ont été dupés. Étant donné la taille imposante de son instrument, je pense être en droit de supposer que ce contrebassiste est, dans ses déplacements, d’une discrétion à faire pâlir d’envie le plus expérimenté des kleptomanes. Il est toutefois fort visible que ce groupe tourne depuis un bon moment et a clairement l’habitude de la scène. Très belle découverte qui, au terme de leur second rappel, m’a convaincu d’en écouter davantage.

Au sortir de la salle, sifflotant encore le refrain de Radio/Video, me vint enfin le flashback que j’attendais : j’étais déjà venu ici, une seule fois. Pour le groupe Kleszcz, dont le bassiste était l’un de mes anciens voisins. La raison qui a fait que ce souvenir ait complètement disparu de ma mémoire étant bien sûr totalement indépendante de la teneur de l’expérience que j’y ai vécu : c’était également un formidable concert. Quoi qu’il en soit, j’ai dorénavant la ferme intention d’y retourner, pour y voir d’autres groupes aussi féroces et talentueux que ceux que j’y ai découvert. https://www.difymusic.com/dead-bones-bunny?fbclid=IwAR3FNzIrWN8y5dFitqx77lVFTwo02bvxxc3jiud7wPy2idBC1rl7TGDv6D8

Simon PERRIN

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